« Ici Anaïs, cheffe de bord du Cahier d’exploration polaire et poétique. La température extérieure est de -12,2°C, ce qui ici est un peu chaud pour la saison. […] En décembre 2022, j’ai entrepris un voyage avec la Compagnie Discrète et, parce qu’il risque d’être beau, j’aimerais vous le raconter. Objectif : une nouvelle création en novembre 2023. Accrochez-vous à vos moufles et bonnets ! Pour vous, je vais prendre tous les risques et me rendre au plus près de l’IJSBERG... »
Vous souvenez-vous des joyeux confettis qui virevoltaient dans votre ventre d’enfant à l’approche de Noël ? Cette excitation incomparable qui vous emplissait de joie ? Eh bien ce matin, en plein mois de mars, j’ai eu la chance d’assister au Noël des Discrets.
Tout commence un peu après 9 heures... J’ai rendez-vous à La Pléiade où la compagnie est en résidence pour une semaine. Je pénètre avec un brin d’émotion dans ce lieu que je connais bien et retrouve avec plaisir l’équipe d’Ijsberg. Alexandre, Adrien, Jules et Jean-Baptiste sont là, accompagnés de Thomas et Nelly, régisseurs de la salle. Sur scène, il y a une table, une structure métallique intrigante et de la neige sous forme de moquette. Attention ! Pour marcher sur la neige qui ressemble à de la moquette, c’est chaussettes ou surchaussures obligatoires. Sans hésitation, c’est donc en chaussettes que je m’approche de l’Ijsberg...
Cette fois-ci, je ne verrai pas de mime (je veux dire, hormis les quelques épisodes qui rythment une journée habituelle dans la vie d’Adrien et Alex) car le sujet, c’est le décor ! Ce matin, on attend Kite avec impatience. Kite, c’est la super couturière du spectacle et, aujourd’hui, c’est elle la Mère Noël puisqu’elle apporte un élément central du décor. De son traîneau Citroën qui vient de se garer sur le parking, Alex et Adrien sortent une grande malle rouge. À l’intérieur, accompagnée de « ohlala trop bien ! », de « oh c’est beau ! » et d’une lumière quasi divine, on découvre une immense toile blanche de 5 mètres sur 8, un patchwork de formes géométriques qui n’est pas sans rappeler la structure intrigante de tout à l’heure… Sa réalisation aura nécessité près de 20 heures de travail, rien que ça ! Je vous laisse donc imaginer la joie de Kite et de l’équipe lorsque Thomas fait s’élever la toile, imposante, face à nous. Une fois suspendue, on remarque une petite retouche à faire mais, wow, c’est grandiose. Les mains ballantes ou sur les hanches, tout ce petit monde reste là ébahi, en ligne, comme hypnotisé par cette étendue blanche qui ne demande plus qu’à s’animer.
Tout à coup, tandis qu’Adrien essaie de parler de trucs sérieux avec Thomas, Jules fait s’envoler de douces notes de musique dans l’air. Elles retombent sur nous comme des flocons et, presque instantanément, je vois la magie opérer sur Alex. Au ralenti, il se met à marcher et semble s’émerveiller d’un paysage que j’imagine à mon tour. Puis, ses pas l’approchent dangereusement d’Adrien et ce qui devait arriver arrive : la conversation sérieuse s’évanouie dans un coup de vent et se transforme en roulades et bataille de boules de neige au ralenti. Instant suspendu. Sourire sur mon visage.
La musique s’arrête, il est déjà temps de revenir dans le monde réel. Maintenant que la toile tant attendue est là, place aux tests vidéo grandeur nature ! On découvre tout le travail de création vidéo d’Adrien. Sur l’agréable blanc cotonneux de la toile qui s’enrichira encore de mille nuances grâce aux lumières de Jean-Baptiste, le décor créé par Adrien se met à respirer sous nos yeux. Après avoir été photographiés, dessinés, détourés, animés et assemblés, les arbres tout droit venus de Suède et de Norvège revivent ce matin à La Pléiade et c’est beau. Mais, à peine le temps d’apprécier que de nouvelles questions se posent déjà. Comment placer le vidéo projecteur pour que les corps ne soient pas dans le faisceau lumineux ? Quelles zones masquer sur la toile ? Faut-il déplacer Jules ? Il est nécessaire de penser dès maintenant la fiche technique pour simplifier la vie du futur spectacle en tournée ; alors puisque La Pléiade dispose d’un beau plateau technique, les Discrets en profitent pour axer la résidence sur cet aspect. Midi passé. La matinée touche à sa fin lorsque Jean-Baptiste dépose sur scène un sac aux chatoyantes couleurs d’orient. À l’intérieur ? Un trésor. Des instruments en bois plus remarquables les uns que les autres ramenés de ses voyages. Il nous raconte leurs histoires étonnantes, souvent émouvantes. Ces objets chargés d’histoire vont servir à Jules, le magicien de la musique. Mais ça, c’est une autre histoire… Anaïs, cheffe de bord du Cahier d’exploration polaire et poétique